Cressard & Le Goff • AVOCATS

Vendeur professionnel : obligation de se renseigner pour conseiller le consommateur.

Dans ses rapports avec le consommateur, c’est-à-dire avec une personne (physique ou morale) pour qui le contrat n’a pas de rapport direct avec son activité professionnelle, le vendeur professionnel est soumis à une obligation de conseil. Depuis octobre 2010, cette obligation de conseil comprend également une obligation de se renseigner sur les intentions de l’acquéreur.

  1. Les obligations traditionnelles du vendeur professionnel: connaitre son produit et conseiller l’acheteur en vue d’une utilisation normale de celui-ci.

Il est admis depuis les années 50 que le vendeur professionnel est nécessairement au fait de l’ensemble des caractéristiques des produits qu’il vend.

Une Jurisprudence constante s’est développée en ce sens, retenant de façon automatique la responsabilité du vendeur professionnel ayant vendu une chose affectée d’un vice, alors même qu’il pouvait ne pas avoir connaissance lui-même de ce vice.

Le vendeur professionnel est ainsi considéré comme détenteur de toutes les informations inhérentes à son produit.

Ayant connaissance de l’ensemble des caractéristiques des produits qu’il vend, le vendeur professionnel est tenu de conseiller le consommateur.

Cette obligation de conseil concerne les caractéristiques de la chose vendue et l’utilisation qui doit en être faite.

Le Code de la consommation fait ainsi expressément peser deux obligations sur le vendeur professionnel:

  • une obligation de mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service vendu.
  • une obligation de fournir au consommateur les informations lui permettant d’évaluer les risques inhérents au produit vendu et raisonnablement prévisibles dans le cadre d’une utilisation normale.
  1. Une nouvelle obligation pour le vendeur professionnel : se renseigner sur les intentions du consommateur avant de le conseiller.

Alors que traditionnellement la Cour de Cassation considérait qu’il appartenait à l’acheteur d’informer le vendeur de son intention de faire une utilisation spécifique d’un produit, celle-ci a opéré un étrange revirement dans le cadre d’un arrêt du 28 octobre 2010.

Le litige concernait un vendeur de carrelage qui avait vendu à des acheteurs consommateurs plusieurs lots de carrelage en terre cuite afin de procéder à la création d’une plage autour de leur piscine.

Le carrelage se désintégrait, le vendeur l’a donc remplacé.

Mais le phénomène se répéta de sorte qu’une expertise a été ordonnée.

L’expert a conclu que la désintégration du carrelage était due à son contact avec l’eau de la piscine traitée par électrolyse au sel.

Les acheteurs du carrelage ont décidé d’actionner le vendeur en responsabilité pour inexécution de son obligation de conseil.

La Cour de Cassation a, contrairement à sa position traditionnelle, retenu  » qu’il incombe au vendeur professionnel de prouver qu’il s’est acquitté de l’obligation de conseil lui imposant de se renseigner sur les besoins de l’acheteur afin d’être en mesure de l’informer quant à l’adéquation de la chose proposée à l’utilisation qui en est prévue « .

Ce revirement appelle deux observations principales.

Il convient tout d’abord de constater que le vendeur professionnel n’est plus seulement titulaire d’une obligation de conseil portant sur une utilisation normale de la chose. Il est désormais tenu d’une obligation de se renseigner sur l’usage qui sera fait de la chose vendue. En conséquence, le vendeur professionnel ne pourra plus avancer le silence gardé par l’acheteur sur une utilisation spécifique du produit pour se décharger de sa responsabilité.

Cette obligation pose toutefois un problème de preuve. En effet, il revient au vendeur professionnel de prouver l’exécution de son obligation. Il devra démontrer avoir donné un conseil individualisé, adapté à l’utilisation que chacun de ses acheteurs fera du produit vendu. Le vendeur professionnel devra donc, pour chacun de ses clients, éventuellement par le biais d’un email ou d’une attestation, se pré-constituer la preuve d’un tel conseil.

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