Cressard & Le Goff • AVOCATS

La Cour de cassation tire le rideau sur les loyers commerciaux

Les mesures d’urgence des pouvoirs publics

Afin d’enrayer l’épidémie de Covid-19, à compter de mars 2020, les pouvoirs publics ont imposé à certaines activités économiques des mesures drastiques d’interdiction de recevoir du public. Ces mesures ont essentiellement frappé les commerces dits « non-essentiels » (restaurants, bars, commerces non alimentaires, salles de spectacles, etc.). De nombreux établissements se sont ainsi retrouvés pendant plusieurs semaines dans l’impossibilité d’exercer leurs activités.

Assez vite les pouvoirs publics ont adopté des mesures de soutien aux activités économiques sinistrées. Pour les locataires, ces mesures se sont notamment traduites par un report de l’exigibilité des loyers. Ce report a été accordé pour les loyers1 et charges locatives arrivant à échéance entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de 2 mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire. Les loyersreportés pendant la période juridiquement protégée, sont cependant redevenus exigibles à son terme. S’estimant lésés, de nombreux locataires ont considéré ne pas être redevables des loyers dus pendant les périodes de fermeture.

Les tribunaux à la rescousse des locataires

Devant le refus opposé par certains locataires, les bailleurs ont saisi les juges pour obtenir le paiement de leurs créances locatives. Les locataires ont alors contesté l’exigibilité de leurs obligations. Les procédures ont témoigné d’une certaine inventivité juridique des locataires et ont interrogé plusieurs grands fondements du droit civil. De nombreux principes ont ainsi été (re)mis sur le devant de la scène : force majeure, bonne foi, imprévision, abus de droit, obligation de délivrance, etc. La force majeure a rapidement été écartée : celle-ci ne rend jamais impossible le paiement d’une somme d’argent. Le principe de bonne foi contractuelle, en raison de sa portée assez incertaine, n’a pas été retenu. Le débat s’est essentiellement cristallisé autour de l’obligation de délivrance du bailleur en cas de perte de la chose louée.

Sur le fondement de l’article 1722 du Code civil, certaines juridictions (parmi lesquelles le Juge de l’exécution du Tribunal Judiciaire de Paris) ont admis que l’interdiction de recevoir du public pouvait être assimilée à une perte partielle de la chose louée, exonérant le locataire du paiement des loyers pendant les périodes de ermeture. Cette position n’a pas été unanime et plusieurs juridictions ont, au contraire, refusé de faire droit à ces demandes.

La Cour de cassation sonne le glas

En raison du flou juridique créé par cette situation – qui n’est pas sans rappeler les contentieux des pertes d’exploitations – la position de la Cour de cassation était fortement attendue. Celle-ci a fait durer le suspense : un avis était espéré pour la fin de l’année 2021, mais celui-ci n’est jamais arrivé et ce n’est que par 3 arrêts du 30 juin 2022 que la Cour a finalement tranché le débat en rejetant les arguments des locataires et en confirmant l’exigibilité des loyers pendant les périodes de fermeture2. L’enjeu était de taille : comme le relève le communiqué de presse accompagnant les décisions, le montant des loyers et des charges immobilisés pendant les périodes de fermeture était estimé à plus de 3 milliards d’euros.

Ces décisions largement publiées ont ainsi clos un des volets de la « saga covid », qui, rassurons-nous, devrait rapidement revenir à l’affiche.

1 : Ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020
2 : Cass. 3e civ., 30 juin 2022, n° 21-19.889, n° 21-20.127 et n° 21-20.190

Par Damien Le Mener, juriste

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