Faux RIB : vigilance requise

10 juin 2024

Les fraudes aux faux RIB se multiplient. La vigilance est de mise pour tous les intervenants.

Multiplication des fraudes

Après le phishing, la fraude au faux conseiller bancaire appelé « vishing », une nouvelle pratique fait des ravages auprès des clients des établissements bancaires :  les faux RIB.

Cette pratique résulte du piratage d’un compte de messagerie par un individu malveillant, dans le but de dérober des informations personnelles, professionnelles ou bancaires. Ceci touche plus particulièrement les adresses mails fournies gratuitement, disposant d’un faible degré de sécurité. Le pirate repère un échange économique entre la personne piratée et un tiers, comme une commande ou une facture. Le pirate recrée alors à l’identique l’adresse mail de la personne piratée, et rédige un mail à celle-ci en lui demandant de procéder à un paiement par virement, en fournissant un RIB correspondant à son propre compte bancaire. Seul les numéros IBAN est modifié, le nom figurant sur le RIB est celui du fournisseur.

Le destinataire s’il exécute le paiement sur la base de ce RIB paie le malfaiteur et non son fournisseur.

Lorsque cette personne s’aperçoit de la fraude dont elle a été victime, souvent quand le fournisseur se plaint de ne pas avoir été réglé, elle est encline à se retourner vers sa banque, pour demander le remboursement des sommes perdues, du fait de l’existence d’une fraude. Le plus souvent, elle reproche à la banque de ne pas avoir vérifié la concordance entre le nom du fournisseur et celui du titulaire du compte.

Obligations des banques

Les obligations de la banque qui a effectué le paiement sont les suivantes :

  • Vérifier que l’opération est exécutée selon les modalités prévues, à savoir grâce à l’authentification forte réalisée par son client. L’authentification forte exige que le client utilise deux éléments permettant de s’assurer de son identité, tel qu’un code secret, une empreinte digitale, la reconnaissance faciale ou encore la réponse à une question secrète.
  • Respecter son devoir de non-ingérence, qui consiste à ne pas intervenir dans les affaires de ses clients, notamment en s’informant sur celles-ci. Dès lors, le contrôle ne peut porter que sur les anomalies apparentes de l’opération, matérielles ou intellectuelles, soit sur la nature elle-même de l’opération ou encore du fonctionnement du compte.

S’il est établi qu’elle a manqué à ses obligations sa responsabilité est engagée.

A l’inverse, elle n’encourt aucune responsabilité si le client a fait preuve d’une négligence grave en ne repérant pas les éléments permettant de comprendre une fraude (par exemple l’orthographe, un élément manquant), comme doit le faire une personne normalement attentive.

La victime peut cependant se retourner contre la banque du pirate bénéficiaire du virement sur le fondement de l’article 1240 du Code civil. Cet établissement doit en effet vérifier la concordance entre le nom du bénéficiaire du virement apparaissant sur l’ordre de virement et le nom du titulaire du compte dans ses livres. (Tribunal Judiciaire de Paris, 9ème chambre, 02 avril 2024, RG n°22/07324).

Dans la mesure où les références données par le fraudeur correspondent le plus souvent à des comptes tenus par des banques situées en dehors de l’Union européenne, l’effectivité de ce recours est compromise.

Un conseil : toujours vérifier

Il convient donc de se montrer particulièrement vigilant et avant de procéder à un paiement par virement, de vérifier notamment de vive voix en appelant son fournisseur, que les coordonnées bancaires sont les bonnes.

PIZZA SPRINT, le sprint final ?

22 mars 2024

Un arrêt de la Cour de cassation du 28 février 2024 apporte des précisions importantes sur la sanction des déséquilibres significatifs dans un réseau de franchise. Le cabinet est intervenu pour de nombreux franchisés.

PIZZA SPRINT était un réseau de livraison de pizza à domicile. Il comptait environ 90 points de vente implantés dans le grand ouest, dont la grande majorité en franchise. DOMINO’S PIZZA a acquis l’enseigne en 2016, pour la faire disparaitre, seuls les points de vente l’intéressant. Ce changement de contrôle a mis au jour les pratiques abusives du franchiseur. Un contentieux nourri s’en est suivi. L’arrêt prononcé le 28 février 2024 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation (n° 22-10.314), qui concerne principalement l’action du Ministre de l’Economie, semble constituer le sprint final d’une longue course d’obstacles.

Déséquilibre significatif

Le dossier démarre en 2013 par une enquête de la DGCCRF. Elle touche d’abord le secteur de la restauration rapide dans son ensemble, puis se concentre sur le réseau PIZZA SPRINT. Dans ce cadre, elle fait apparaître différents dysfonctionnements, analysés par l’administration comme des déséquilibres significatifs dans les relations entre franchisés et franchiseur, au sens du Code de commerce (article L442-6 I 2° devenu L 442-1 I 2°). La difficulté principale concerne les pratiques du franchiseur, qui n’étaient pas apparentes lors de la signature du contrat de franchise. Par exemple, les conditions d’approvisionnement sont imposées aux franchisés, avec une grande rigidité, notamment les prix d’achat des produits. Le passage par la centrale d’achat du groupe est impératif. Or, ses prix sont supérieurs à ceux des autres distributeurs, ce qui dégrade la marge des franchisés. Par ailleurs, plusieurs clauses posent difficulté, dont celle relative à l’intuitu personae. Telle que rédigée, elle permettait au franchiseur d’écarter un franchisé en invoquant n’importe quel changement à son sujet.

Action du Ministre

En janvier 2016, le réseau PIZZA SPRINT est acquis par la Société DOMINO’S PIZZA. Celle-ci annonce clairement à la presse que tous les points de vente vont changer d’enseigne. C’était aller un peu vite en besogne puisque seuls quelques magasins étaient détenus par le vendeur, la plupart étant en franchise. Face à l’hostilité d’une grande part des franchisés, l’acquéreur a annoncé, dans un second temps, qu’il respecterait les contrats en cours. Pour autant, il a poursuivi les mêmes pratiques. Un grand nombre de franchisés a alors saisi le tribunal de commerce de RENNES. Quelques temps après, le Ministre de l’Economie a également engagé une action contre le franchiseur. En cours de procédure des accords transactionnels ponctuels sont intervenus entre quelques franchisés et le franchiseur. Par jugement du 22 octobre 2019, le Tribunal de commerce de RENNES a admis l’action du Ministre, mais n’a procédé qu’à une annulation limitée de certaines clauses, dont celle relative à l’intuitu personae ; aucune amende n’a été prononcée. Sur appel du Ministre, par arrêt du 5 janvier 2022, la Cour d’appel de PARIS a fortement aggravé la sanction contre le franchiseur. Elle l’a en effet condamné au versement d’une amende de 500 000 €, la Société DOMINO’S PIZZA étant tenue au paiement de cette somme. Le franchiseur a inscrit un pourvoi.

Enseignements de l’arrêt

La Cour de cassation rejette ce pourvoi. Le sommaire de la décision retient que, en matière de pratiques restrictives, la prescription de l’action du ministre, qui ne fait pas l’objet de règles spéciales, est régie par l’article 2224 du code civil. Il s’ensuit que cette action a pour point de départ le jour où ce dernier a connu ou aurait dû connaître les faits qui, caractérisant une pratique restrictive, lui permettent d’exercer ce droit. La conclusion d’une transaction entre des partenaires économiques n’a pas pour effet de priver le ministre des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 442, 6, III, devenu L. 442-4, du code de commerce. Une société ayant acquis les titres de sociétés à l’origine de clauses constitutives d’un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et qui ne cesse pas ces pratiques, et partant, y participe également, peut être condamnée, in solidum avec ces dernières, à une amende civile. La Cour rejette, par ailleurs, les critiques relatives à l’annulation de la clause d’intuitu personae, en définissant plus clairement ce qui conduit à cette annulation.

Cette décision permet donc de sanctionner d’une façon assez large les manquements du franchiseur. Contrairement à ce que soutenait le franchiseur, l’analyse ne se limite pas à la lecture du contrat de franchise. Il a été tenu compte de la spécificité du réseau. Beaucoup de franchisés étaient d’anciens salariés, exerçant avec peu de personnel permanent, dans des conditions qui ne respectaient pas l’indépendance d’un commerçant. L’équilibre a donc été rétabli sur le principe.

Un autre volet du dossier, relatif à l’indemnisation de certains franchisés, reste à trancher. Cette décision prévue d’ici un an pourrait constituer la ligne d’arrivée du contentieux, après 12 ans de procédure. La justice livre moins vite ses décisions que le livreur ses pizzas.